La Deuxième guerre Punique (218 à 201 av. J.-C.)
La
paix qui vient d'être signée entre Rome et Carthage ne
sera en fait qu'une longue trêve de vingt-trois ans où les
deux empires passeront leur temps à restaurer leurs forces et
à consolider leur position.
Commençons par le cas de Carthage. A la sortie de la
première guerre Punique, les Carthaginois ont un gros
problème financier, et cela ne permet même plus de payer
les mercenaires qu'ils engagent. Ces derniers, étant dans une
région lybienne, se révoltent, furieux de ne pas avoir
touché leur solde, en compagnie des lybiens, dont le tribut
vient d'être multiplié par deux. Mais ce n'était
pas tout; en effet, les mercenaires de Sardaigne commencèrent,
eux aussi, à se soulever, et les villes d'Utique et de Bizerte
se révoltèrent. Alors que Carthage allait au plus mal,
Rome ainsi que le roi Hiéron de Syracuse eurent la bonté
de ravitailler les Carthaginois, et Hamilcar extermina les mercenaires
insurgés, puis les Lybiens près de Leptis Minor. Mais
pendant que les garnisons carthaginoises se révoltaient en
Sardaigne, les Romains occupèrent la Corse et la Sardaigne,
violant alors le traité de paix signé en 241 vant J.-C. A
partir de ce moment, une haine violente des Carthaginois
vis-à-vis des Romains s'installa, ce qui explique la haine que
portait Hannibal, fils d'Hamilcar, à tout ce qui touchait les
Romains. Après la victoire d'Hamilcar sur les Lybiens, Carthage
sortait enfin, en 237, d'une guerre qui l'avait considérablement
épuisée. Hamilcar investit les possessions puniques en
Espagne où il trouvait des métaux précieux,
d'exellentes troupes, ainsi que des débouchés pour son
commerce. Avec l'aide de son gendre Hasdrubal, Hamilcar avança
à l'intérieur des terres espagnoles, et permit à
Carthage de se constituer un grand empire. A sa mort, c'est Hasdrubal
qui continua son oeuvre, puis son fils, Hannibal, qui,
élevé dans la haine des Romains, prépara aussi la
revanche sur ces derniers.
Etudions maintenant le cas des Romains. Une fois fois que Rome fut
enrichie, et posséda les îles de la
Méditerranée occidentale, elle se tourna alors vers la
plaine du Pô où le peuple celtique constituait un
véritable danger. Les Celtes furent, une première fois,
stoppés au Cap Télamon, puis Rome contre attaqua et
s'installa en Gaule Cisalpine (en Italie du Nord) entre 224 et 222
avant J.-C. De plus, elle y fonda trois colonies: Modène,
Plaisance et Parme. Mais cette offensive gauloise n'a pas
été le seul danger pour les Romains. En effet, les
pirates illyriens rôdaient dans l'Adriatique et dominaient la
côte dalmate au détriment des marchands italiens, qu'ils
massacrèrent d'ailleurs, mais aussi des colonies corinthiennes
qui s'étaient installées sur la côte. C'est en
protectrice des Grecs que Rome envoya une première puissante
expédition en 229, puis une seconde en 219. Ayant
débarrassé la côte des pirates, Rome en profita
pour mettre sous son protectorat toutes les villes
côtières. Il se créa un premier contact avec
l'Orient grec.
Durant cette trêve, les deux forces eurent le temps de renforcer
leurs armées terrestres et navales, ainsi que leurs finances.
Les deux blocs étaient fin prêt à reprendre la
guerre, il ne manquait plus que le prétexte. Justement, le
prétexte qui a été trouvé fut le
siège, puis la prise, de Sagonte en 219 avant J.-C., par le
général punique Hannibal. Ce dernier était un
grand stratège, ainsi qu'un grand admirateur d'Alexandre le
Grand; de plus, il connaissait bien la culture grecque. Mais revenons
maintenant à notre histoire de Sagonte, alliée de Rome.
Le traité de paix signé en 226 avant J.-C. fixait des
zones d'influences pour les deux puissances, mais par la prise de
Sagonte, située sur la côte orientale espagnole, les
Carthaginois violèrent ce traité. Bref, les deux parties
étaient d'accord pour engager cette nouvelle guerre, que l'on
appellera Deuxième guerre Punique.
Au printemps 218, Hannibal se mit en marche vers l'Italie, avec une
armée d'environ 80.000 hommes bien entraînés venant
d'Espagne, et composée par des Ibères, des Africains, des
cavaliers numides, et surtout d'éléphants qui
terrorisaient les Romains. Il eut l'occasion de la compléter
avec des Gaulois, mais face aux Romains qui pouvaient aligner 200.000
hommes, c'était fort peu. Je pense qu'il est aussi
intéressant de noter que plus Hannibal se rapprochera de
l'Italie du Sud, et moins son ravitaillement sera facile, étant
donné la supériorité navale des Romains. A
l'automne 218, après avoir franchit les Alpes, Hannibal remporta
sa première victoire sur le Tessin contre le consul Cornelius
Scipion, mais avec une armée réduite du fait de la
traversée des Alpes. Seulement un mois plus tard, ce fut l'autre
consul, Sempronius, qui fut défait à la Trébie.
Les Gaulois se ralliant à la cause des Carthaginois, les
Romains durent évacuer d'urgence la Gaule Cisalpine. En 217, qui
ne fut guère une meilleure année pour les Romains, le
consul Flaminius se laissa surprendre non loin du lac Trasimène,
en plein brouillard, ainsi que sa vie. Nouveau coup dur pour les Romains, mais le pire n'était pas encore survenu.
Après la défaite de Flaminius à Trasimène,
Hannibal aurait pu attaquer Rome, mais il se dirigea plutôt vers
l'Italie du Sud. Sans nul doute voulait-il soulever la région
avant de détruire Rome. A Rome, on nomma un dictateur du nom de
Fabius dont la tactique était de temporiser en raison de
l'infériorité de l'armée romaine. Pendant ce
temps, ses troupes purent s'entraîner avant de reprendre le
combat. Mais, en 216 avant J.-C., les deux nouveaux consuls qui furent
nommés ne continuèrent pas la stratégie de Fabius,
et engagèrent le combat contre Hannibal tout près de
Cannes. Très mauvaise idée, puisque sur les 80.000
légionnaires engagés, plus de la moitié
périrent, en compagnie du consul Paul Emile. Mais ce
n'était pas tout, les Carthaginois en capturèrent 20.000
autres, et seulement 15.000 hommes purent retourner à Rome, en
compagnie du second consul du nom de Varron.
Hannibal n'essaya pas d'assieger Rome, sans doute par le manque de
matériel, mais entreprit de couper Rome de ses alliés, et
c'est donc pour celà qu'il s'installa plutôt dans le sud.
Dès la mort de Hiéron II, Syracuse passa du
côté punique, mais aussi Tarente ainsi que Capoue. Les
Carthaginois passèrent un pacte avec le roi de Macédoine,
Philippe V, à qui ils promettaient la côte de l'Adriatique.
Pendant ce temps, les Romains ne chômèrent pas, et
reprirent la tactique de Fabius, et entraînèrent donc de
nouvelles légions, de sorte qu'ils soient prêts en 212
avant J.-C. Et c'est la même année que les Romains
concluèrent une alliance avec la ligue éolienne, puis
avec quelques villes d'Asie Mineure, ce qui incita Philippe V à
rester tranquille (en 205 avant J.-C., Philipe V et le sénat
romain signèrent la paix). Puis, tout s'enchaîna
positivement pour les Romains. En effet, ils reprirent Syracuse en 211,
où mourut Archimède, ainsi que Capoue en 210 et Tarente
en 209 avant J.-C., villes qui s'étaient ralliées aux
Carthaginois alors que Rome allait mal. Cette dernière
n'était pas prête de l'oublier. En Espagne, où la
famille des Scipions subit quelques défaites en 211, le jeune
Cornelius Scipion, fils du consul qui fut battu sur le Tessin, et
étant proconsul d'Espagne malgré son jeune âge,
retourna la situation. Lui aussi grand admirateur d'Alexandre le Grand,
tout comme Hannibal, il s'inspira de la tactique du chef punique pour
la retourner contre son inventeur. En 209, notre général
romain prit Carthagène, mais il ne put empêcher Hasdrubal,
frère d'Hannibal (à ne pas confondre avec le gendre
d'Hamilcar), à aller rejoindre son frère. Hélas
pour les Carthaginois, Hasdrubal ne put rejoindre son frère, et
fut tué sur les bords du Métaure en 207, en même
temps que son armée fut anéantie. Notre ami Scipion fut
élu consul pour 205, et en 204 débarque à Utique.
Les Romains progressèrent en territoire punique et
s'allièrent avec le roi de Numidie Massinissa, dont renfort de
sa cavalerie ne serait pas de refus.Les Carthaginois rappelèrent
Hannibal en 203, et ce dernier fut battu à Zama en 202 avant
J.-C. par Scipion, dès lors surnommé "l'Africain".
Encore une fois, au niveau du traité de paix, Carthage ne fut
pas épargnée. En effet, elle dut livrer toute sa flotte
(les romains ont, tout de même, été "indulgeants"
et leur ont laissé dix navires), plus tous ses
éléphants, qui terrassèrent tant nos amis de Rome.
Mais ce ne fut pas tout, en plus de ça, les Carthaginois durent
payer 10.000 talents (soit trois fois plus que lors du dernier
traité) en cinquante ans. Ils durent aussi renoncer à
faire la guerre sans l'autorisation du vainqueur, et reconnaître
Massinissa roi de Numidie. Dire que Carthage était passée
à deux doigts de la victoire, elle se retrouvait, maintenant,
vassale de Rome et devait exclure toute possibilité de
redressement.
Rome, quant à elle, sortait certes vainqueur de cet
affrontement, mais aussi affaiblie. En effet, Hannibal, qui a longtemps
séjourné dans le sud de l'Italie, a ravagé toute
la région. De grosses quantités de blé furent
importées de Sicile, de Sardaigne et d'Egypte pour lutter contre
la famine. Les guerres qui n'ont pas étaient touchées par
la guerre ont, tout de même, été réduites
à l'état de friche, étant donné la longue
mobilisation des paysans. Il y eu aussi une chute démographique,
comme peut nous l'indiquer les recensements de 233 et de 204 avant
J.-C., où l'on est passé de 270.000 citoyens mobilisables
à 214.000. Autre problème, le nombre de personnes se
réfugiant à Rome devant la menace d'Hannibal. Une fois le
conflit terminé, ces personnes restèrent à Rome,
ce qui posa le problème de la surpopulation.
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